…Au cœur de l’hiver avec Jean-Baptiste, coureur de bois…

…Au cœur de l’hiver avec Jean-Baptiste, coureur de bois…

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…Après avoir échappé plusieurs fois à la traque du Gouverneur, Jean-Baptiste, accompagné de sa traîne, allait reprendre la course du bois, un voyage de 4 longues journées qui devait le conduire à un nouvel eldorado du castor…
« … L’hiver était bien là, déjà 5 pieds de neige recouvraient sentes, rivières, lacs et cela faisait maintenant 2 jours que cette neige tombait sans discontinuer.
Avant mon premier repos, je savais la route encore bien longue, d’ici là, je n’avais pas d’autre choix que de brasser cette foutue poudrerie*, bon nombre de pensées allaient vers mes nouveaux chevaux de ficelle*, fabriqués à la hâte, qui étaient parfaitement adaptés à mon pas !

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Bientôt, la nuit serait là, je n’avais pas d’autres choix que de trouver rapidement un lieu bien protégé de cette poudrerie venteuse. Depuis la levée du jour où j’avais chaussé mes chevaux de ficelle, je pensais à cet abri construit la saison dernière par mon ami Joseph… saurais-je le retrouvé ? Cet abri avait-il résisté à Dame Nature ?
Je reconnus rapidement ce fond de vallée et peu après l’abri qui, apparemment, n’avait pas subi de gros dommages.
Il était temps de s’installer… Près de la flamme vive, bien au chaud sous mon capot*, je pensais déjà à ma prochaine journée de labeur…

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Au petit matin, je sentis le froid glacial me geler le sang. Surprise, 1 pied de plus s’ajoutait aux 5 pieds déjà tombés. Fallait-il braver ces conditions difficiles pour continuer le voyage ? À bien des occasions, ma fougue de coureur de bois l’avait emporté sur la raison, mais cette fois-ci, je décidais de rester une nuit de plus dans cet abri en attendant patiemment le retour d’une belle journée. En fin de matinée, laissant ma traîne au repos, je décidais d’améliorer l’ordinaire en allant chasser le volatile…

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Deux lagopèdes* pour la chaudière*, c’était une bien maigre pitance. J’étais déçu mais je savais que dans le bois, la règle est que l’on ne doit jamais faire la fine bouche, surtout quand le reste de sagamité* de la veille est devenu bien rance !! Après une ripaille, tout de même bien goûteuse, il était grand temps de me glisser dans ma couverte*, car avec ces nuits glaciales, il aurait été impensable de négliger mon couchage : un bon tapis de branches d’épinettes pour s’isoler du froid, une couverte épaisse cousue en sac et la toile cirée de la traîne qui enveloppe le tout…
La nuit était calme mais la neige tombait toujours…

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Au petit matin, comme j’en avais rêvé, le redoux était là certainement bien installé jusqu’à la fin de mon voyage. Sans perdre de temps, je décidais de charger ma traîne et de filer bon train à travers le bois. Parfois, quelques passages difficiles m’obligeaient à ralentir. Mais qu’elle était incroyable cette traîne à se déformer sur la moindre bosse, sans se rompre ! Il y a bien longtemps que j’avais retenu la leçon de ce vieux trappier* qui me disait : « … Mon gars, si tu charges bien pesant, n’oublie pas qu’ta traîne s’ra faite de belles planches souples et en bon bois… »

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Grâce à ces conditions de voyage clémentes, les miles parcourus défilaient sans trop d’effort. Là-bas, passées les 2 grosses roches, je reconnus l’entrée de la grande tourbière. Il était temps de s’arrêter et de monter l’abri car le soleil commençait vraiment à bien descendre…
Il m’a fallu 2 heures de labeur pour aménager le trou, couper le bois de l’abri, le monter sans oublier ma collecte de bois de chauffage.

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Après une bonne nuit de repos passée sous les étoiles, je rassemblais l’ensemble de mes effets, chargeais ma traîne et partais à grandes enjambées vers la rivière aux castors… »

Jean-Baptiste.

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*Capot : manteau
*Chaudière : chaudron
*Chevaux de ficelle : raquettes à neige
*Couverte : couverture
*Lagopède : perdrix variable
*Poudrerie : neige poudreuse
*Sagamité : bouillie de maïs
*Traîne : traîneau
*Trappier : trappeur

Hymne au coureur de bois

De l’indien, j’ai l’insouciance,
L’ouïe et l’intrépidité :
Pareil mépris de l’existence,
Pareil amour de liberté.

Il n’est pas un souffle, un murmure,
Pas un frémissement des bois,
Pas un seul bruit de la nature,
Que ne puisse imiter ma voix.

J’ai pour sceptre ma carabine,
Le dôme des cieux pour palais,
Pour tapis, j’ai la mousse fine,
Pour trône, les monts, les forêts.

Lorsque l’ombre du soir arrive,
Je me fais un lit de sapin.
Couché près de la flamme vive,
Je rêve et dors jusqu’au matin

H-R Casgrain

 Retrouvez l’intégralité du reportage photo ici

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