De la Loire à l’Indre en Rabaska les 27, 28 et 29 septembre 2013

De la Loire à l’Indre en Rabaska,

les 27 , 28 et 29 septembre 2013

Vivre l’espace de quelques jours le métier de Voyageur Canadien à la fin du 18ème, tel était l’objectif de cette aventure historique, depuis l’acquisition, en juin 2012, de ce magnifique canot en écorce de bouleau…

01Quelque part dans le Nord Ouest…

« Voyageur va faire tes bagages, c’est à l’aube que nous partirons… »

C’est au départ de notre poste de traite et sur cet air bien connu que nous avons donné les premiers coups de pagaie… Notre équipage de Nor’wester* était composé de 2 bouts : Natane, Avant, moi-même, Jean-Baptiste Gouvernail et de 4 Milieux, Joseph, Guillaume, John et Étienne. Tous étaient prêts à remplir leur mission : faire jonction avec un grand canot de la Compagnie chargé de ballots de fourrures, à 1 mille sur la Rivière des Embarras*, maigre tributaire* de la Grande Rivière. Malheureusement pour le Bourgeois de la Compagnie du Nord Ouest*, ce rendez-vous n’aura pas lieu. De retour au poste, nous avons appris que l’équipage de ce canot n’avait pu éviter un dangereux tournant d’eau*, par malheur, le canot chavira et toute la cargaison fût perdue…

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« En avant ! » À mon ordre, les Milieux lancent le canot …

« C’est l’aviron qui nous mène, qui nous mène… » Encore un air qui va bien aider l’équipage dans son dur labeur. Le canot glisse parfaitement, le coup de pagaie est ferme. Natane, à l’avant, n’a repéré aucun embarras et encore moins de dangereux chicos*, à l’avant tout est clair… Pour ce qui est des Milieux, ils gardent un bon rythme ce qui permettra d’arriver sur notre batture* avant la nuit. Cela fait déjà plus de 8 milles* que nous pagayons et déjà nous apercevons à l’opposite*, l’entrée du Canal* des Buteaux. Fidèle à sa réputation, bien encombré, nous sommes obligés de débarquer, peut-être ferons nous notre 1ère décharge. Fort heureusement, le canot chargé de toutes ces marchandises glisse doucement dans une étroiture* d’à peine 5 pieds* de large et de 6 pouces* d’eau, sitôt passer l’étroiture, nous embarquons et reprenons notre navigation en ayant bien soins de repérer le moindre chico immergé. Un quart de mille plus loin, avant l’entrée dans la Rivière des Embarras, nous serons de nouveau obligés de débarquer et passer une étroiture en touant* le canot. Batture en vue ! Alerté par l’Avant, je dirige le canot vers cette plage de sable où nous installerons notre camp pour la nuit. Les 2 Bouts se préparent à sauter à l’eau avant que le canot s’engrave*… Arrivés à quelques pas du lieu de décharge les 2 Bouts débarquent et ont bien soin de tenir le canot à flot par les pinces*.

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Après la décharge des marchandises, il faut rapidement installer les abris car la pluie n’est plus très loin. Une toile sera tendue sur le canot pour abriter l’équipage durant la nuit, tandis qu’une autre toile sera installée sous un arbre pour abriter le feu. Comme à l’habitude et après chaque navigation, j’inspecte minutieusement l’écorce du canot. Cette fois-ci, je ne le gommerai* pas. À peine avais-je terminé ma tâche qu’Étienne se dirigea vers moi à grands pas brandissant un gorget* de la Compagnie de la Baie d’Hudson*. Cette trouvaille nous conforta dans l’idée qu’un équipage de canot de la compagnie anglaise avait dû quitter les lieux peu de temps avant notre arrivée. En ces temps, la concurrence fait rage !!… La soirée fut belle même si l’inquiétude concernant l’arrivée du canot venu de l’ouest grandissait… Au lever du jour, mauvaise nouvelle, toujours pas de canot de la Compagnie du Nord Ouest* en vue, malheureusement il faut faire route, le temps presse car le parcours, cette fois-ci se fera à contre courant ! Le canot quitte la batture et se dirige rapidement vers le rapide de la Fosse. Les voyageurs savent qu’à cet endroit le courant forci franchement et qu’il faudra cordeler*…

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Arrivés au rapide, John et joseph auront la responsabilité du câble* tandis que Guillaume, Étienne et moi-même guiderons le canot à gauche de la veine d’eau. Deux milles après le rapide de la Fosse, Joseph le milieu s’inquiète de ne pas apercevoir la Fourche*. Aurions-nous déjà emprunté le mauvais canal ? C’était mal jugé des compétences de notre Avant Natane qui confirma être à environ 1/4 de mille de la bifurcation. Arrivés à la Fourche, la rivière devenait de plus en plus étroite et très encombrée mais cela n’empêcha en rien notre progression dans le canal Nord Est qui nous mena directement au Portage des Mottes (1384 pas*). L’accès au Portage des Mottes par une batture écore* nous aura facilité la tâche, même si la pluie a fait son retour.

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Voyageurs à vos bricoles* !

Nous portagerons* le canot et les marchandises jusqu’à la Grande Rivière en 3 heures et 3 pauses. Dans ces conditions très humides et sur l’herbe mouillée, les mocassins manquent cruellement d’adhérence, pas de chance pour Joseph qui a joué du roulé-boulé plus qu’à son tour ! La mise à l’eau sur la Grande Rivière, après le passage dans le bois, fut très délicate, cette pente très glissante pouvait, à tout moment, nous faire choir sur les roches. Heureusement, la fin de ce portage se fit dans la plus grande sérénité. Après avoir chargé notre canot et traversé la Grande Rivière, nous avons investi l’île Saint Martin. La pluie cessa ce qui permit d’installer notre camp avec 2 abris jumelés. Le menu du soir : lard, blé d’inde* et tafia* !! Idéal pour reprendre des forces.

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Au matin du 3ème jour, le Rabaska file bon train vers le Nord Est pour rejoindre le poste, 4 milles à parcourir à contre courant sur la Grande Rivière…

Deux heures que les milieux pagaient sans relâche et attendent mon ordre pour dégrader*, malheureusement, aucun contre courant n’est assez large pour stopper le canot… Après une centaine de pas, je l’atteins enfin : « Allumez ! » dis-je en sortant ma pipe de mon gage d’amour*… Les Voyageurs, traditionnellement, vont fumer leur pipe quelques minutes et dès que j’aurai terminé la mienne, ils se remettront au travail…

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… « En avant !! » La remonte se fait le plus souvent, d’un contre courant à l’autre, car il faut préserver les Milieux, mais quand il n’y a pas le choix et qu’il faut avironner contre le courant principal, alors, je demande aux Milieux d’augmenter la fréquence de coups de pagaie, cela peut aller jusqu’à 50 coups/minutes !! Après avoir longer l’île Buisson, le canot part à l’opposite dans un courant très fort, heureusement, les voyageurs réussiront à le franchir, au prix d’énormes efforts.

Il est temps de dégrader*, même si le poste est en vue, l’île du Croissant sera le lieu de la dernière pause, avant l’arrivée au Poste…

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Vocabulaire du Voyageur :

Batture : partie du rivage découverte à la période d’étiage

Berge écore : eau profonde au pied de la berge

Blé d’inde : maïs

Bourgeois : actionnaire de la Compagnie

Bricole : sangle pour le portage des marchandises

Câble : cordage servant à hâler le canot

Canal : bras de rivière

Chico : branche dangereuse souvent visible entre 2 eaux

Compagnie de la Baie d’Hudson : Compagnie de Traite créée en 1670, concurrente de la Compagnie du Nord Ouest jusqu’à la fusion en 1821

Compagnie du Nord Ouest : Compagnie de  Traite 1784-1821

Cordeler : hâler le canot à l’aide d’un cordage

Dégrader : s’arrêter

Embarras : accumulation d’arbres ou de branches coincés dans le lit de la rivière

Engraver : ensabler

Étroiture : passage étroit

Fourche : l’endroit où la rivière se divise en 2 bras

Gage d’amour : petit sac tenu autour du coup où se trouvent la pipe et le tabac

Gommer : réparer une saignée dans l’écorce à l’aide d’un mélange de résine et graisse chauffée

Gorget : large collier métallique porté par les militaires qui servait à protéger des coups d’armes tranchantes

Mille terrestre : 1 609 mètres

Nor’wester : Voyageur engagé de la Compagnie du Nord Ouest

Opposite : opposé

Pas : 0,62 mètre

Pied : 0,304 mètre

Pinces du canot : l’avant et l’arrière du canot

Portager : porter

Pouce : 2,54 cm

Tafia : rhum arrangé

Touer : hâler

Tournant d’eau : drossage

Tributaire : affluent

Jean-Baptiste.

 Retrouvez l’intégralité du reportage photo ici

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