… Sur les chemins d’eau avec Jean-Baptiste, coureur des bois…

…Sur les chemins d’eau

avec Jean-Baptiste, coureur des bois…DSC_0622

… Jusqu’à ce jour, le courant fort de la Grande Rivière participa grandement à réduire ma vitesse de progression, de fait, je doutais de plus en plus de mes capacités à rejoindre à temps Natane, une Indienne Outaouais épousée depuis peu à « la mode du pays ».
Après avoir avironné à bon allure les 2 miles du grand détour, je me suis retrouvé face à un fort vent qui levait quelques vagues dangereuses. Que devais-je faire ? Continuer le voyage par un long et fastidieux portage ou bien rester à bord de mon 18 pieds et pagayer les quelques miles restants à mes risques et périls… Je décidais de pagayer.
Après une longue et pénible ligne droite, j’aperçus l’île aux saules, enfin le repos !

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Les eaux devenant bien maigres, je continuais ma progression à la cordelle et à la perche… Quelle déception à l’arrivée sur la batture, Natane n’était pas là. Je ne m’inquiétais pas outre mesure, car ma sauvagesse connaissait parfaitement la région.

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L’abri monté, je décidais qu’il était temps de préparer la nourrissante et délicieuse banique, une juste récompense pour ce dur labeur !

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Après m’être assoupi, je me mis à réfléchir sur la journée du lendemain… De toute façon, il était pour moi impensable de continuer le voyage jusqu’à destination et de fait rater la venue de Natane.

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Après une bonne nuit de repos, je partais en canot puis à pieds découvrir les sentes de castors que Natane m’avait si souvent parlées.

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Le soleil était déjà bien haut quand je revins au camp où tout était calme. Après avoir grignoté quelques canneberges, je quittais de nouveau le camp, cette fois avec mon fusil et une bonne charge de grenaille.
Je dépassais un bosquet de trembles et découvrit à 25 pas notre repas du soir, 4 bécasseaux qui étaient venus picorer dans le sable humide…

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4 maigres bécasseaux, pour le souper, c’était peu mais bien assez pour fêter les retrouvailles. Persuadé que Natane arriverait par l’Est, je décidais d’embarquer dans le canot et de partir à sa rencontre, j’en étais sûr, elle emprunterait forcément la rive Nord de la Grande Rivière qui la mènerait directement à l’île aux saules.

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De retour au camp, à peine avais-je halé le canot que je vis Natane s’affairer autour de l’abri. Elle était là, bien là ! mais hélas porteuse d’une très mauvaise nouvelle.
Elle me disait que si par malheur je décidais de rejoindre le poste avec mes peaux comme il était prévu, je serais certainement arrêté et mis aux fers.
Au désespoir des derniers traiteurs libres, il y avait bien longtemps que la course des bois était prohibée et les « sans congé » châtiés !

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Après mures réflexions, je prenais la décision de me faire oublier car il était hors de question de vivre l’humiliation de mes maîtres, Pierre Esprit Radisson* et Médard Chouart des Groseillers*. Là où je comptais m’établir, personne ne viendrait m’y chercher.
Au petit matin, je laissais Natane reprendre à pieds la route de son village, quant à moi je la rejoindrai plus tard par les chemins d’eau…

Jean-Baptiste.

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*Pierre Esprit Radisson et Médard Chouart des Groseillers ont été, dans la 2ème moitié du 17ème siècle, de grands découvreurs et d’intrépides coureurs des bois.
… En août 1660, ils rentrent d’une longue expédition « des Pays d’en Haut » à la tête d’une brigade de 60 canots chargés de 200 000 livres de fourrures ! À leur retour à Montréal, ils furent arrêter et durent payer une amende de 10 000 livres sous prétexte qu’ils avaient commercé sans congé et surtout passés outre le monopole de la traite que possédait la compagnie des habitants de la Nouvelle France…

 

Les Coureurs des Bois ou plutôt Coureurs de Bois sous le Régime Français

Les premiers trafiquants de fourrures en Nouvelle France étaient des engagés aux services des Compagnies de Traite. Les coureurs des bois, eux, traitaient sans permis pour leur propre compte au désespoir du Gouverneur, garant du monopole des Compagnies…

En 1645, pour augmenter les profits de la colonie, le Gouverneur Charles Jacques Huault attribue, à tous les résidents, le droit de troquer avec les Amérindiens ce qui eut pour résultat d’augmenter considérablement le nombre de jeunes colons qui désertaient la charrue pour la course des bois.
C’est en 1654 que le Gouverneur Jean de Lauzon décida pour pallier à cet exode de rendre obligatoire l’obtention d’un permis de traite ou congé et de fait, limiter le nombre de trafiquant vers les Pays d’en Haut.
Avec l’arrivée du Gouverneur Frontenac de 1676 à 1679, la course des bois est sévèrement punie.
En 1681, Frontenac accorde l’amnistie générale aux coureurs des bois et confirme le système des congés qui seront limités à 25 par an. Dans la pratique, un plus grand nombre seront revendus aux marchands voyageurs (entre 500 et 600 livres le congé).
1696, à cause de la « surproduction » de fourrures, le système des congés fut aboli, la Traite ne fut autorisée que dans 3 postes.

Au début du 18ème, le commerce des fourrures connaît une crise majeure. La demande est grande, mais il n’y a plus d’offre !!
1713, réouverture généralisée de la Traite dans les Pays d’en Haut.
1715, le système limitant le nombre de congés réapparaît, il est de nouveau interrompu entre 1720 et 1726 et reprend en 1727… jusqu’au Traité de Paris en 1763.

Jean-Baptiste, coureur des bois en 1757

Si dans la 2ème moitié du 18ème siècle, il reste toujours quelques illégaux qui, comme Jean-Baptiste, pratiquent le commerce des fourrures, la grande majorité des indépendants, qui courent les bois, sont rentrés dans le rang en acquérant le précieux congé. Ces traiteurs indépendants ne sont plus nommés coureur des bois mais marchand voyageur.

Prochain article : Au cœur de l’hiver avec Jean-Baptiste, coureur de bois…

Retrouvez l’intégralité du reportage photo ici

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